Hors les murs – 2022 – Charlotte Pringuey-Cessac – Lignes – Poudrière de Mont-Dauphin, Hautes-Alpes
Hors les murs – 2022 – Natacha Lesueur, Gregory Forstner, Agnès Vitani – Power Flower – Exposition – Le 109, Nice
« La céramique s’affirme comme un médium multiple, à la fois ancien et très contemporain, relevant de la sphère de notre quotidien, sous sa forme artisanale et industrielle, et ouvert aux expressions artistiques les plus novatrices avec la volonté de s’affranchir de l’appartenance aux arts décoratifs.
À Vallauris, cette diversité se lit à travers une double identité, particulièrement prégnante : d’une part, une tradition séculaire de productions culinaires et utilitaires, les « pignates et pôelons », et d’autre part, un développement de la céramique artistique, poussée à son paroxysme avec les créations de Picasso à partir de 1947. Cette histoire ouvre la voie à de nouvelles transgressions sur les frontières entre art majeur et art mineur et les limites entre l’art et la vie, que Ben s’approprie.
Affilié au mouvement Fluxus, mouvement artistique international apparu dans les années 1960 qui bouscule les champs artistiques et interroge ce qui fait art, Ben apparaît comme l’un des artistes majeurs de ses soixante dernières années, particulièrement connu pour ses performances et écritures-aphorismes.
Il aborde la céramique – de manière sporadique – depuis une quinzaine d’années. Sa première exposition, « Je suis nul en céramique », avait eu lieu en 2006 au musée de la Poterie à Vallauris. C’est toujours dans ce lieu, dirigé par Michel Ribero, que Ben a fait cuire ses dernières réalisations.
Cet intérêt peut surprendre en apparaissant antinomique avec Fluxus : d’un côté, un matériau qui requiert temps et technicité, et de l’autre, un mouvement artistique qui implique une forme de spontanéité. Pourtant, la terre offre à l’artiste de nombreuses possibilités d’explorations pouvant pleinement s’inscrire dans sa démarche artistique.
Ben revendique la céramique comme une matière ouverte sur la création.
De fait, le matériau se révèle protéiforme dans son œuvre explorant différents processus de conception. Tout d’abord, des sculptures, où se mêlent bibelots, objets typiques des productions du xixe siècle, associées à un usage décoratif, et des éléments en terre cuite modelés directement par l’artiste. Au travers de ces œuvres mixtes, contrastent la céramique historique et industrielle, colorée, vernie, et ses créations originales, laissées brutes.
Des œuvres plus imposantes jouent sur la nature du matériau et sa fragilité avec la réutilisation de fragments de céramique cassée. Dans des installations comme Fuck, Ben pousse plus avant la provocation, en invitant le visiteur à briser des objets en céramique et à remplir une caisse en bois. Ben malmène ce matériau, si malléable au modelage et si facile à détruire après cuisson ; le fait que l’argile soit l’une des premières matières travaillées par l’homme, et qu’ainsi la céramique permette de traverser le temps et les cultures de l’Antiquité à Picasso, donne à l’artiste des perspectives réjouissantes pour nourrir ses réflexions sur l’art.
Les écritures-aphorismes, si célèbres de Ben, se retrouvent également dans la céramique : évocation de la terre dans des tableaux, plats gravés… Pour l’exposition proposée au musée Magnelli, musée de la céramique, Ben a associé son écriture blanche peinte avec des colombins de terre modelés en mots : entre le noir et le blanc, caractéristiques des œuvres de Ben, émerge la couleur de l’argile cuite.
L’un des gestes les plus anciens du potier réside dans le façonnage au colombin : travailler un boudin d’argile. Il ne nécessite que la main de l’homme, sans les intermédiaires que peuvent être le tour ou bien le moule. Il permet ainsi un contact direct, primaire, avec le matériau et d’appréhender toute la sensualité inhérente au travail de la terre. Il s’agit d’un geste primitif, enfantin.
Plaisir et érotisme sont clairement assumés dans l’attrait de Ben pour la terre : pétrir l’argile l’amène à évoquer le corps d’une femme ou à façonner des sexes masculins. La céramique peut apparaître tellement complexe dans la technicité qu’elle exige (température de cuisson, émail, engobe…) qu’elle peut faire oublier la satisfaction du contact avec la terre : modeler, étirer, trouer… Sous cet angle, la réflexion de Ben « J’aime pas la céramique trop salissant par contre j’aime malaxer la terre » apparaît moins paradoxale. Cette rencontre directe avec la matière avait amené à une performance « totale » en 2006, lors de l’exposition « Je suis nul en céramique » lorsque que Ben et Monique Thibaudin s’étaient plongés dans une baignoire pleine de barbotine (mélange d’eau et d’argile crue) et en avaient recouvert leurs corps.
Au travers de l’exposition proposée à Vallauris, l’approche décomplexée et pleine d’humour de Ben permet de renouer avec une certaine légèreté dans la manière de percevoir le matériau terre. »
Céline Graziani, Directrice
Musée Magnelli, musée de la céramique