Ben, de son vrai nom Benjamin Vautier, est un artiste français d’origine suisse, né le 18 juillet 1935, à Naples (Italie), de mère irlandaise et occitane, et de père suisse francophone. Il est le petit-fils de Marc Louis Benjamin Vautier, peintre suisse du xixe siècle. Il vit ses cinq premières années à Naples. Après la déclaration de la seconde guerre mondiale, en 1939, Ben et sa mère multiplient les voyages : Suisse, Turquie, Égypte, Italie…, pour s’installer enfin à Nice en 1949. Il étudie à l’école du Parc Impérial et à la pension du collège Stanislas. Sa mère lui trouve un travail à la librairie Le Nain bleu en tant que garçon de course, puis lui achète une librairie-papeterie. À la fin des années 1950, il la vend pour ouvrir une petite boutique, dont il transforme la façade en accumulant quantité d’objets et dans laquelle il vend des disques d’occasion.
Rapidement, sa boutique devient un lieu de rencontres et d’expositions où se retrouvent les principaux membres de ce qui deviendra l’École de Nice : César, Arman, Martial Raysse, etc. Proche d’Yves Klein et séduit par le Nouveau Réalisme, il est convaincu que « l’art doit être nouveau et apporter un choc ». En 1955, il découvre la forme de la banane et réalise une série de dessins. Cette série marque le commencement de ses recherches graphiques. En 1959, il commence ses “sculptures vivantes” : il signe des gens dans la rue, ses amis, et même sa famille. En 1965, il signe sa propre fille, Eva Cunégonde, alors âgée de trois mois. Au début des années 1960, plusieurs artistes tentent de s’approprier le monde en tant qu’œuvre d’art. Ben va signer tout ce qu’il trouve: « les trous, les boîtes mystères, les coups de pied, Dieu, les poules, etc. », reliant l’art et la vie, expliquant que tout est art et que tout est possible en art. Il rejoint le mouvement Fluxus en octobre 1962, à la suite d’une rencontre avec George Maciunas à Londres. Entre 1960 et 1963, il développe la notion d’appropriation, du tout est art et du tout possible en art. Il débute alors sa série des “Tas”, entassant de la terre et des déchets sur des terrains, et les signant. En 1965, dans son magasin, il crée une galerie de trois mètres sur trois dans la mezzanine : « Ben doute de tout. » Il y expose Martial Raysse, Albert Chubac, Daniel Biga, Marcel Alocco, Bernar Venet, Serge Maccaferri, Serge III, Sarkis, Robert Filliou, Christian Boltanski, etc. En 1972, il participe, à la demande d’Harald Szeemann, à la Documenta V, où il retrouve entre autres Robert Filliou, Marcel Broodthaers, Giuseppe Chiari, Joseph Beuys. En 1977, l’exposition collective « A propos de Nice » inaugurant le Centre Georges Pompidou est une sorte de reconnaissance parisienne aux recherches effectuées et mûries hors capitale, par l’École de Nice. Dans la préface du catalogue, Pontus Hulten écrivait : « L’art contemporain n’aurait pas eu la même histoire sans les activités et les rencontres qui eurent lieu dans la région niçoise ». Il confie la préparation de l’évènement à Ben. Au début des années 1980, au retour d’une année passée à Berlin à la DAAD, grâce à une bourse, il rencontre de jeunes artistes : Salomé, Luciano Castelli, Helmut Middendorf et les membres de la Violent Painting allemande. À son retour à Nice, il organise avec Marc Sanchez une exposition-échange entre ce qu’il nomme la Figuration libre française et les jeunes peintres allemands. Sont alors exposés dans sa maison à Saint Pancrace Robert Combas et Hervé Di Rosa, et à La galerie de la Marine, à Nice, François Boisrond et Rémi Blanchard, entre autres. Très impliqué dans la scène contemporaine, il soutient depuis toujours de jeunes artistes et donne son point de vue sur toute l’actualité, qu’elle soit culturelle, politique, anthropologique ou artistique, dans ses newsletters régulières et prolixes. Il vit et travaille depuis 1975 sur les hauteurs de Saint-Pancrace, colline niçoise. Les œuvres de Ben sont présentes dans les plus grandes collections privées et publiques du monde, notamment le MoMA de New York, le Walker Art Center de Minneapolis, l’Art Gallery of New South Wales de Sydney, le Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig de Vienne, le MUHKA d’Anvers, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le musée de Solothurn, le musée national d’Art moderne de Paris, le musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice, le M.A.C. de Marseille, le M.A.C. de Lyon. Marié avec Annie Baricalla depuis 1964 , il a deux enfants, Éva Cunégonde et François Malabar.
S’inscrivant dans le contexte post-duchampien, et influencé par John Cage, George Maciunas, Dada et Isidore Isou, posant la question « Que faire après Duchamp ? », Ben choisit pour atelier le monde entier. De 1963 à 1967, Ben écrit dix films conceptuels. Le premier était une déclaration-affiche collée sur les murs de Nice et de Cannes au moment du Festival de Cannes.
Les écritures : Sa première peinture de mots semble être « Il faut manger. Il faut dormir. » de 1953, simple affirmation de la vie. Cette simplicité véhicule cependant un concept fort : Ben produit un art de l’idée, bien avant le début de l’art conceptuel tel qu’il est défini dans la plupart des livres spécialisés. Ben cherchait à l’époque de nouvelles formes artistiques, pour parler de l’art et du monde de l’art. Il a ensuite développé à travers ses écritures des thèmes nombreux et variés (l’ego, le doute, la mort, le sexe, le nouveau, l’argent…). Les phrases que Ben écrit peuvent être des vérités, des commentaires (sur le monde, l’actualité), des scénarios, des invectives (au public, au monde de l’art), des constatations… Apparaissant brusquement dans le champ visuel du spectateur, elles arrachent un sourire, et donnent souvent matière à penser.
La signature : Il commence à signer en 1958 : des tableaux, des gens, des photos. Ben se dit alors que si l’art n’est qu’une question de signature, alors pourquoi ne pas faire un tableau avec juste sa propre signature. Travaillant sur les concepts du moi, de l’ego et de l’identité de l’artiste, Ben, « semble dire qu’étant donné que, pour le public, l’art est synonyme de la signature de l’artiste, plus elle est visible, plus c’est cette œuvre que le public voudra. {…} En même temps, Ben parle de l’ego/moi et de l’importance de l’autoréférence en art, de l’exploration du moi et de l’ego – à la fois subjectivement et en tant que sujet. » Son manifeste « Moi Ben je signe » en 1960 montre la radicalité de sa démarche.
Les gestes / Actions : Terre à terre, les gestes de Ben se rapprochent des « events » de George Brecht. Ils sont appelées également « actions ». Ses premiers gestes datent de 1960, théorisés dans le cadre de ce qu’il appelle des « appropriations ». D’abord peu documentés, ils sont ensuite photographiés et titrés, sur un support le plus souvent noir, avec une description succincte. Ces gestes donnent à voir de petites actions a priori banales, quotidiennes, peu spectaculaires, que Ben met en avant, dans un esprit Fluxus.
Les performances « La vie ne s’arrête jamais » est une des phrases de Ben. Rejouant les codes des happenings et performances développés aux États-Unis dans les années 1950 (Black Mountain College, Allan Kaprow), Ben mêle vie et art à partir des années 1960 pour produire des performances appelées « Vomir », « Hurler », ou « Dire la vérité », qu’il réalise près de son magasin rue Tonduti de l’Escarène ou dans les rues de Nice, prévenant ou non le public.