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Je frotte, j’aplatis, j’explose, j’écrase, j’enfonce… . Bruissements d’actions plastiques premières dont naissent des visions sophistiquées, intrigantes qui opposent des principes formels qui ont longtemps servis à distinguer les Abstractions entre elles et dont l’artiste nous prouve la nature primitive : le lyrique et le géométrique, l’expression et le concept que sont-ils d’autre que le reflet de la facture d’un monde où s’oppose toujours l’organique et le cristallin, la faune sous-marine et droit bambou ?
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En réintroduisant des motifs naturels et utilisant des matériaux pauvres, l’artiste nous rappelle qu’au cœur des abstractions, c’est le cœur du monde qu’on entend.
Artiste post-moderne en quête d’atemporel, Pringuey-Cessac ne se soucie pas d’une « pureté » artificielle : ainsi la figure apparaît, oscille et disparaît, se dissout ou se loge dans le titre. Elle passe naturellement du travail mural à l’appropriation d’un outil administratif, du dessin à la sculpture, de l’in situ à l’action enregistrée en vidéo. Et pourtant, dès lors qu’ils entrent dans sa pratique, tous ces procédés se complètent au lieu de s’opposer ou se succéder. Ils participent ainsi à l’extension d’un univers singulier.
Les compositions de Pringuey-Cessac montrent son goût prononcé pour le noir, le charbon, le graphite, les traces de vie organique brulée ou comprimée. Le mur lui devient arène verticale, lieu de danse avec la matière, endroit de cadences, de formes organiques, aquatiques ou ardentes. Mais elle ne cesse de contreponctuer ses mouvements expressifs rigoureusement de traits nets, de blancheurs et de silences.
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Même si l’apparence finale n’est jamais anticipée dans ses moindres détails, l’artiste ne s’embarque pas dans un voyage purement instinctif dont l’issue lui serait entièrement inconnue au moment où elle amorce la réalisation. Conçus en fonction du lieu, ses dessins muraux (O.d.e.) et ses sculptures in situ sont réfléchis et préparés longtemps à l’avance. Fruits de gestes bien maîtrisés, leur visée même les encadre : trompe l’œil et anamorphose ne s’improvisent pas.
Ainsi l’apparence des œuvres reflète une démarche où préméditation et sérendipité ne s’excluent pas. A l’instar du contrepoint et de cette structure A-B-A qui est propre à L’adagio et à la sculpture du même nom, les mêmes principes réapparaissent régulièrement dans son travail pour y engendrer des formes nouvelles à plat ou dans l’espace. Chère à l’artiste, la référence à la musique est omniprésente : ces tampons encreurs où un cadre géométrique renferme un intérieur plus ou moins « chargé » s’appellent Variations.
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Comme lorsque le mur blanc fait charpente dans des braises de charbon noir, les contours des tampons encreurs sont nets, administratifs, comme l’est aussi leur taille standard. Le protocole d’application ne l’est pas moins : 5 tampons et 5 principes de composition et d’action (Tamponner !) donnent lieu à 25 combinaisons. Basculant entre tache et ligne, stabilité et déséquilibre, espacement et superposition, l’artiste y explore des principes de composition et les lois de notre perception : lorsque nous regardons ce dessin avec l’attention requise, chaque combinaison nous donne une sensation bien précise : perte d’équilibre, stabilité précaire ou pause vibrante.
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Inventant de nouveaux procédés ou s’appropriant des techniques existantes, Charlotte Pringuey- Cessac repousse les frontières de son univers dont l’extension se fait de manière horizontale et verticale. Elle élargit et elle creuse en parallèle : après avoir utilisé le charbon pour dessiner, déposant la matière noire sur le papier ou le mur, celui-ci a fini par faire œuvre, à l’instar de ces gommes entièrement saturées de matière noire et des gestes même de la dessinatrice dans dite vidéo. Lorsque ce tronc imposant sauvé du feu devient la sculpture Adagio l’opposition fondamentale entre ondulation naturelle et géométrie artefactuelle se rejoue une fois de plus, à nouveau, autrement.