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Frédérique Nalbandian
Renversement
Place aux arts | Fougères (35)
À première vue, les œuvres de Frédérique Nalbandian s’offrent à voir dans un matériau assimilable à la pierre, voire au marbre. Leur forme la plus récurrente – la colonne – contribue tout particulièrement à le laisser penser. Mais aucune œuvre d’art n’est un leurre : elle est soit l’image d’un motif, existant ou imaginaire, soit la réalité physique d’une forme produite in abstracto. Pour l’apprécier à sa juste mesure, il importe donc, d’abord et avant tout, de l’identifier matériellement.
À leur découverte, la surprise est grande d’apprendre que les œuvres de l’artiste sont faites pour la plupart à base de savon de Marseille. On s’inquiète aussitôt de leur potentielle pérennité, sans avoir en tête qu’un savon ne s’use que si on le frotte. Ceci pour dire que les colonnes et autres sculptures de Nalbandian sont résistantes et entretiennent au temps un rapport d’égalité avec tout autre matériau : à savoir, qu’aucune œuvre d’art n’est définitivement pérenne.
Tout comme un bronze procède de l’écoulement de matière dans un moule, souvent fait de plusieurs pièces, les œuvres de Frédérique Nalbandian sont constituées de différents modules, réalisés par moulage dans des seaux plastiques, puis assemblés dans la forme souhaitée. Elle opère somme toute dans la plus pure tradition d’une histoire de la sculpture à laquelle elle est attachée tout explorant les qualités d’un matériau inédit dans un rapport au corps qui en est le vecteur cardinal.
Au cœur de la ville de Fougères, dont le puissant appareil de pierre est chargé de mémoire, ses sculptures y trouvent au voisinage de ses architectures la justesse d’un cadre qui leur confère un supplément d’âme. Un dialogue inattendu s’engage par-delà le temps, entre l’hier et l’aujourd’hui, pour dire tant la force que la fragilité de toute construction humaine. Et le terme de « Renversement », employé pour titre de son exposition, souligne une nouvelle fois qu’il n’y a de création pensée, accomplie et éprouvée que dans l’échange entre temporalités et matériaux les plus distinctes. À tout le moins, c’est la fonction et le lieu mêmes de l’art.
Philippe Piguet,
Commissaire de l’exposition.