Gregory Forstner, Flowers for the Bold (40)
Gregory Forstner, Flowers for the Bold (40), 2020
Huile sur toile, 200 x 150 cm
© Photo Pierre Schwartz
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Quelques mois avant le premier confinement, j’ai réalisé quelques tableaux librement inspirés des nains de Vélasquez dont les figures, des têtes de bulldogs, tenaient dans les mains un bouquet de fleurs dans une attitude indécise.
Si le titre de ces tableaux, Flowers for the Bold (Des fleurs pour les audacieux), évoque littéralement le bouquet visible dans les mains de mon sujet, il part également d’une réflexion souvent entendue à propos de mon travail selon laquelle ma peinture serait destinée aux « courageux ». Réflexion que je considère intéressante (même si, je l’avoue, elle est également un peu
irritante) car inconsciemment elle révèle la relation naïve et charnelle du spectateur devant toute représentation et donc, d’une certaine manière aussi, les limites de notre liberté esthétique et du rapport social et intime inévitable qui s’exprime face aux sujets dans la peinture.
Ma peinture serait donc pour ceux qui admettent qu’un tableau se nourrit et s’inscrit dans le réel mais n’est pas la réalité. Des tableaux qui n’obéissent qu’à l’exigence de la pensée et de la rétine, de la sensibilité, et non d’une morale imposée par une communauté dont l’opinion, forcément consensuelle, en réduirait autant l’impact que la portée.
Il serait trop réducteur de désigner le confinement et les bouleversements qui en résultent au niveau social, psychologique et professionnel pour tenter d’expliquer l’évolution d’un travail. Il est possible que la situation que l’on vit ait favorisé certains glissements dans mon travail, c’est difficile à dire… En général, je fais davantage confiance aux intuitions et aux coïncidences. Ce qui parait indéniable, c’est que privé dans une certaine mesure d’habitudes et de libertés a priori acquises dans nos sociétés gâtées et riches, notre équilibre a été indiscutablement remis en cause. De même, mon ring habituel (les expositions, les rencontres, le travail ainsi qu’une certaine désinvolture) à l’intérieur duquel je distribue habituellement mes « coups » (ma peinture), disparaît pour le public et pour moi-même.
Gregory Forstner