simone simon

au rythme du paysage 

 

Avec Linda Sanchez, artiste invitée dans le cadre du festival OVNi.

Cette nouvelle exposition Simone Simon présente la dernière série de photographies de l’artiste, Histoire d’eau, fruit de multiples voyages en Islande, Picardie et au bord de la Méditerranée.

Dans le cadre du festival OVNi (Objectif Vidéo Nice), simone simon présente l’installation vidéo au rythme du paysage et Linda Sanchez (Prix Révélations Emerige 2017) artiste invitée, présente le film 11752 mètres et des poussières...

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Vue de l’exposition au rythme du paysage, Simone Simon, octobre 2023, galerie Eva Vautier © François Fernandez
Vue de l’exposition au rythme du paysage, Simone Simon, octobre 2023, galerie Eva Vautier © François Fernandez
Vue de l’exposition au rythme du paysage, Simone Simon, octobre 2023, galerie Eva Vautier © François Fernandez
Vue de l’exposition au rythme du paysage, Simone Simon, octobre 2023, galerie Eva Vautier © François Fernandez
Vue de l’exposition au rythme du paysage, Simone Simon, octobre 2023, galerie Eva Vautier © François Fernandez
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  • Vue de l’exposition au rythme du paysage , Simone Simon oct 2023, galerie Eva Vautier Photo © François Fernandez
Simone Simon 
 
Photographe de métier, simone simon développe depuis les années 2000, une pratique artistique mêlant prises de vue, vidéos, enregistrements sonores et témoignages écrits. Chacun de ses projets est construit de façon pragmatique, pour rendre une réalité brute, souvent poétique. Après plusieurs projets d’inspiration sociale et politique (dont la série Nu présentée en 2019 dans l’exposition corps/voix territoire de l’intime à la galerie) simone simon s’intéresse dans cette nouvelle série de photographies à un nouveau dialogue, par la maîtrise du mouvement.

Selon Chiara Palermo, commissaire d’exposition et docteur en philosophie « Dans la série Histoire d’eau, le dialogue intervient autrement [que dans les précédents projets de l’artiste]. Il se fait danse par le mouvement
de la photographe, la parole devient geste et l’image est le résultat de cette communication sans discours qui anime l’image. [...] Nous pouvons reconnaître la proximité avec les projets précédents de l’artiste issue d’une stratégie militante et esthétique qui cherchait souvent des points d’attaque idéologiques pour dénoncer la transformation en acte de la société dans son homologation et dans sa réification consumériste. Elle faisait jouer les émotions, la différence, la marginalité des récits des histoires acquises, par des narrations plurielles. Dans Histoire d’eau, elle joue la pluralité de l’image et la discontinuité de chaque instant, sans renoncer à un réalisme qui caractérise son œuvre. »

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Gilles Renault, dans Libération, en mars 2023, après Histoire d’eau, exposition personnelle de simone simon à l’Ecole des Beaux Arts de Versailles :
« Les paysages évanescents de simone simon conservent jalousement leur part d’énigme, contrées flottantes, indécises, sans frontière ni démarcation, où les éléments solide et liquide cohabitent, se superposant en un délicat dialogue teinté de mélancolie atemporelle, tout au plus troublée par ce qu’on devine être l’envol d’un oiseau. De l’Islande à la baie de Somme, l’humain n’a, en revanche, pas ici sa place, indésirable qu’il est sur ces bandes verticales qui renvoient souvent à un registre pictural conviant à la contemplation. » 

AU RYTHME DU PAYSAGE | CHIARA PALERMO   

 

Le bruit incertain des rêves est en décadence La personne humaine devient personne Son langage la prothèse de ses peurs [...] Bégayer ce qui est mort dans notre bouche Par exemple, l’enfance. Mais non en récupérant les règles, les pièges du jeu puéril ; le jeu, tu vois, est juste de pouvoir dire que A n’est pas nécessairement égal à A le jeu est de pouvoir dire que A peut être égal à tout autre chose. Et jouer veut dire aussi, ou essentiellement, être joué [...]  Nous sommes vivants dans la mesure où nous savons reconnaître Si nous rencontrons quelque chose [...] L’espace n’est pas seulement un vide à remplir [...]  Vivre est comme l’aiguille qui traverse le pouce [...]  Il m’intéresse à présent de rechercher ce qui dans les temps a été effacé L’autre de moi Mon inconnu Il pleut ou il ne pleut pas...ou... . Nanni Cagnone Les derniers projets de Simone Simon ont connu une inspiration sociale et politique, depuis Les portes du Saint-Pierre (2008) en passant par Ne regardez pas le renard passer (2017) ou Nu (2018). Comment pouvons-nous reconnaître l’auteure dans ce dernier travail autour du paysage ? Comment faut-il interpréter cette série Histoire d’eau ? Est-ce qu’il s’agit d’une fuite de l’effet d’accélération de notre société pour un idéal de retour romantique à une fusion avec la nature ? Voilà quelques-unes des interrogations qui ont accompagné ma découverte de ces images.   Voir plus

L’enfermement traversé pendant la crise sanitaire due au covid-19 a obligé l’artiste à chercher une autre dimension pour communiquer sans pouvoir se nourrir du dialogue habituel qui avait défini ses précédentes expositions. Les portes du Saint-Pierre donne voix à des familles en détresse sociale de la périphérie de Nice, Ne regardez pas le renard passer est un projet collectif portant l’attention sur l’écoute des premiers souvenirs d’enfance, Nu retranscrit le dialogue avec des femmes qui décident de montrer leur corps en défiant nos préjugés. Dans la série Histoire d’eau, le dialogue intervient autrement. Il se fait danse par le mouvement de la photographe, la parole devient geste et l’image est le résultat de cette communication sans dis- cours qui anime l’image. Dans un entretien de décembre dernier, l’auteure révèle les modalités de son processus de prise de vue. Il se situe à la rencontre d’une image qui devait surgir d’un mouvement de la caméra, un mouvement fruit d’une maîtrise extrême, nécessaire pour ne pas perdre complètement la netteté de la photographie et dans le même temps, immaîtrisable. Ce mouvement devait introduire un élément involontaire, obliger à des tentatives inachevées, rendre au paysage le mystère que l’on ne peut pas « représenter ». La rencontre avec la lumière devient décisive ainsi que le cadrage et pourtant ils ne suffisent pas. La réussite de la photographie tient à ce miracle d’un « écart » entre les choses : le mouvement de l’artiste pendant la prise de vue photographique produit la juxtaposition de plusieurs images rendant au paysage son devenir autre. Le geste de l’artiste peut être comparé à un happening. Dans L'Expérience hérétique, Pasolini synthétise ainsi la relation entre le réel et sa représentation : « En vivant, nous nous représentons, et nous assistons à la représentation d’autrui. La réalité du monde humain n’est que cette double représentation, où nous sommes à la fois les acteurs et les spectateurs : un gigantesque happening, pour ainsi dire... » . Il décrit de cette manière l’impossible transparence du sujet à lui-même, sa représentation constante du monde mais jamais « en coïncidence » avec elle-même. Dans cette nécessité de « représenter », nous sommes toujours « autre ». Chacun est acteur et spectateur. Il y a une discontinuité, dans le déploiement de la temporalité au présent, que la performance évoque par son statut éphémère . Le happening devient ainsi le lieu toujours plus explicité d’une représentation de « l’ici et maintenant » et de l’impossible transparence de l’instant « heure et ici ». Or, dans une sorte de happening, Simone Simon nous dit l’impossible « heure et ici » du paysage. L’instant de la prise de vue devient pluriel. Comme dans une performance, l’image reste polysémique, dans ses orientations, ses ouvertures et ses significations. Nous ne savons pas comme interpréter les flous de l’images, ses ombres, ses doublures. Ce nouveau registre artistique crée des courts-circuits entre sens et non-sens, entre le réel et sa représentation : l’image est le témoin de cette discontinuité du réel. Nous pouvons reconnaître la proximité avec les projets précédents de l’artiste issue d’une stratégie militante et esthétique qui cherchait souvent des points d’attaque idéologiques pour dénoncer la transformation en acte de la société dans son homologation et dans sa réification consumériste. Elle faisait jouer les émotions, la différence, la marginalité des récits des histoires acquises, par des narrations plurielles. Dans Histoire d’eau, elle joue la pluralité de l’image et la discontinuité de chaque ins- tant, sans renoncer à un réalisme qui caractérise son œuvre. La photographie a un caractère onirique et elle implique pourtant la présence du réel à l’intérieur du dispositif créatif, sans artifice ni volonté illustrative, par la présentation d’éléments ayant leur propre valeur de réalité et se détournant de toute prétention suggestive. Par sa volonté de présenter cette réalité comme doublée par la pluralité des images qui la désignent, l’artiste produit des situations plutôt que des mises en scène d’un paysage. Le paysage est habité de vie, bien que tout communauté humaine demeure absente, le mouvement de l’image dans sa « réalité à elle » produit la vie. En ce sens, la proposition de quelque chose d’originaire ou brut qui est le spectacle et « le double » de ces paysages n’a rien de nostalgique ou romantique mais propose une prise de conscience de l’écart constitutif de nos représentations et de nos valeurs. C’est seulement à partir de ce contexte que la simplicité ou la pauvreté du discours peuvent être interprétés dans leur complexité : ils ne sont pas opposés à notre modernité — fuite de notre monde vers un ailleurs, la nature — dans une dichotomie dialectique, mais au contraire ce sont des éléments qui complexifient, ouvrent, désorientent notre histoire : ils relient la norme de nos récits au principe de la vie et au regard du spectateur posé sur le présent, un regard qui ne sera pas transparent. Notre histoire se relie à celle de l’eau et à ce qu’elle offre d’immaîtrisable. L’intime du paysage qui apparait nu — sans la présence humaine et sans construction artificielle — se charge aussi de cette multiplicité de voix qui habite le silence quand il devient « rythme » avec ce mouvement caché des images. Notre posture ne pourra plus être celle d’une prise de vue sur le réel mais plutôt celle d’une « intentionnalité inversée » selon laquelle nous sommes vus plus que voyant : le paysage nous regarde, comme les analyses de la phénoménologie nous l’ont appris . En tant que spectateur, il ne nous reste qu’à jouer ce jeu. Celui de retrouver une passivité fondamentale dans laquelle l’image nous suggère ces significations provisoires : nous jouons et « nous sommes joués » par l’opacité d’une Histoire d’eau qui nous enveloppe, dans laquelle on peut se perdre et se reconnaître, et dont il faut embrasser le rythme. Voir moins

Linda Sanchez (Prix Révélations Emerige 2017) artiste invitée, présente le film 11752 mètres et des poussières...

Dans son travail de sculpture, Linda Sanchez semble avoir cherché une sorte d'équilibre précaire, une peau légère qui se situerait entre un objet et la surface sur laquelle il se trouve : il y a quelques années, elle détachait délicatement un Tissu de sable de sa dune originelle, cherchait à découvrir les différences inframinces entre un tronc de bois coupé et le même poncé de quelques centimètres, ou encore présentait de bien vulnérables toiles d'araignée.

Pour son exposition personnelle à la Fondation Bullukian, l'artiste a choisi de concentrer sa recherche sur un objet infime, presque le plus petit dénominateur commun des phénomènes météorologiques, la goutte d'eau. Voir plus

 

Comme pour le sable, le tronc ou les toiles d'araignée, la goutte d'eau est d'abord observée pour sa capacité à se soustraire à son support : une longue vidéo intitulée 11752 mètres et des poussières... en montre justement une, qui n'en finit pas de fuir sous l'œil de la caméra. Tourbillonnante, la goutte aspire sur son passage d'infimes gouttelettes, de petits insectes égarés, des résidus pulvérulents. Ralentissant à certains moments, au point que l'on craint la voir s'éparpiller et perdre sa fragile unité, la voilà qui reprend à d'autres instants une vitesse presque éperdue. S'élongeant au point de laisser derrière elle quelques fragments de sa robe, la goutte paraît ici vivante, personnalisée. Ce ne sera toutefois

une découverte pour personne : qui n'a jamais suivi « sa » goutte sur les fenêtres d'une voiture en marche (jusqu'à ce qu'elle meure, absorbée par une autre, ou épuisée par la vitesse) ? Monique Wittig a même célébré dans son roman L'opoponax (1964) la vitalité presque scandaleuse des gouttes d'eau sur les vitres : « Par moments sur la vitre une goutte de pluie plus grosse que les autres file de haut en bas mais le plus souvent en oblique, ça brille, c'est comme un train qui passe à toute vitesse dans la nuit ». Mais pas chez Linda Sanchez : la goutte ici est désespérément seule, filmée en gros plan, nullement alimentée en pluie. D'ailleurs, un ciel bleu parsemé de quelques nuages s'y reflète. Une logistique des plus complexes a été déployée pour montrer la goutte hésiter, de longues minutes durant, face à ses dépôts précédents et ingérer avec gloutonnerie les « incidents de surface » qui donnent leur titre à l'exposition. Des photographies viennent justement dévoiler en filigrane les expérimentations qui ont mené à la prouesse technique de cette goutte filmée plus d'une heure : gouttes écrasées sur des surfaces réfléchissantes, énigmatiques prises de vue où des points lumineux font oublier toute échelle... Mais il ne s'agit pas là de travaux qui voudraient grimer les méthodes d'analyse scientifiques ; l'empirisme demeure de mise, et une certaine empathie face à un objet qui n'en finit pas de se dérober l'emporte sur une observation qui viendrait tirer des conclusions définitives. Des dessins, intitulés Chronographies, témoignent également de ces recherches ; sur de très grands formats et à raison de 24 images par seconde, l'artiste a redessiné à l'encre – à l'aide d'un dispositif de projection – le processus par lequel la goutte se retire. En résultent d'étranges images dont on aurait peine à dire si elles représentent le très vaste ou le minuscule, rappelant aussi bien de poétiques cartes topographiques que des vues au microscope de cheveux qui se dévoilent, écaille après écaille.

Une dernière œuvre, prenant cette fois-ci la forme d'une installation nommée Plateau de ruissellement, semble clôturer temporairement cette série d'expérimentations – qui devrait, à n'en pas douter, connaître prochainement de nouvelles réalisations plastiques. Le dispositif, entièrement visible, laisse apparaître une pompe et une poche d'eau qui alimentent la distribution d'un réseau d'eau à la surface d'une plaque de plexiglas sombre. Dessiné au doigt à la façon d'une dentelle, avec ses entrelacs et ses répétitions, ce réseau recouvre le plateau à la façon d'un glacis brillant. Seule l'observation attentive permet de voir l'écoulement de l'eau d'un bord à un autre et les tourbillons légers par lesquels elle emporte la fine nappe de poussière de plastique déposée à la surface.

Dans son célèbre ouvrage L'eau et les rêves (1942), Gaston Bachelard consacrait peu de mots à la goutte, mais écrivait pourtant : « Pour rêver la puissance, il n'est besoin que d'une goutte imaginée en profondeur ». La voilà ici disséquée par Linda Sanchez comme aurait pu le faire une entomologiste ; mais en dépit de ses fragmentations aqueuses, passant du statut d'objet à sujet, elle continue à virevolter.

 

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