Exposition « La vie est un film »

Ben et ses invités au 109

Exposition du 15 juin au 19 octobre 2019

 

 

Catalogue « La vie est un film » de l’exposition de Ben et ses invités

 

Les éditions In Fine publient, dans le cadre de « Nice 2019, L’Odyssée du cinéma », le catalogue de l’exposition de Ben au 109 « La vie est un film » (15 juin – 19 octobre). L’ouvrage de cette exposition qui a réuni plus de 500 œuvres de Ben ainsi que celles de ses 64 invités (poésie, peinture, dessin, installation, vidéo, performance, sculpture, graffiti, etc.) et foulée par plus de 12 000 visiteurs.
Construit selon les sections établies par Ben dans son exposition, le catalogue offre une lecture rétrospective de l’œuvre de l’artiste présentant successivement son parcours historique et contemporain ainsi que sa collection dont 92 œuvres ont été présentées pour l’occasion. Une double page est également consacrée à chacun des artistes, comprenant leurs réponses aux questions posées par leur hôte (Quelles sont les limites de l’art ?, Quelles sont les limites de la vérité ?, Quelles sont les limites du cinéma ?) ainsi qu’une vue de leur œuvre in situ.

 

Catalogue La vie est un film 

Texte Hélène Guenin et Elodie Antoine

Photographie François Fernandez

200 pages, 28,5 x 24,5 cm

Editions: In Fine, 2019

35,00 Euros

 

 

La vie est un film…

 

Pour célébrer le centenaire des studios de la Victorine, la ville de Nice programme Nice 2019, L’odyssée du cinéma, une année entière d’expositions et d’événements visant à valoriser l’histoire du cinéma et la production cinématographique actuelle à Nice. Le 109, sur le site des anciens abattoirs, route de Turin, est un lieu aux dimensions hors normes converti par la municipalité en pôle de création contemporaine.
Au sein de ce vivier artistique, la Ville de Nice et le collectif d’artistes La Station, avec le soutien d’Éva Vautier, invitent Ben Vautier pour une grande exposition d’été titrée : La vie est un film. Plus de 500 œuvres de Ben, retraçant 50 ans de création, seront installées dans la grande halle de plus de 2000 mètres carrés, qu’il a choisi de partager avec des invités, artistes, amis de longue date ou jeunes créateurs. Cet espace en perpétuel mouvement accueillera production filmée, événements, performances et débats, si chers à l’artiste.

Figure artistique majeure de la seconde moitié du XXe siècle, Ben est connu pour ses actions et ses peintures. Sa production, à la fois réflexion philosophique et impertinente sur l’art, intègre notre quotidien dans ce qu’il a de plus particulier. L’éthnisme, l’ego ou la vérité constituent également des questionnements chers à son œuvre.
L’histoire de Ben et son art sont profondément ancrés dans le territoire niçois. Il a quatorze ans quand il s’installe à Nice avec sa mère. Dix ans plus tard, à la fin des années 50, il ouvre une boutique de disques d’occasion, 32 rue Tonduti de L’Escarène. Rapidement, il en transforme la façade en accumulant quantité d’objets. Le Magasin de Ben est né. Ce lieu de rencontres et d’expositions devient le rendez-vous des principaux artistes de l’École de Nice : Ben est convaincu que « l’art doit être nouveau et apporter un choc ».Dès 1959, il réalise de nombreuses performances, dont « Je signe la vie » ou « Regardez-moi cela suffit »sur la Promenade des Anglais. En 1963, il invite George Macunias à Nice pour le premier Festival Mondial Fluxus et Art Total en France. Acteur historique de ce mouvement, à cette occasion, Ben signe Nice « œuvre d’art ouverte » sur le Mont Alban.
Lorsque le Magasin de Ben intègre la Collection Permanente du Centre Georges-Pompidou en 1975, il transfère ses activités chez lui, sur la colline de Saint-Pancrace. Ben poursuit l’organisation d’expositions avec notamment Supports/Surfaces, la Figuration Libre et lance les premiers débats Pour ou contre.
Très impliqué dans la scène contemporaine, Ben soutient depuis toujours de jeunes artistes, encourage les rencontres, et donne son point de vue sur l’actualité, au départ par des tracts, des affiches et journaux, aujourd’hui par des newsletters riches et régulières.

L’événement Nice 2019 : L’odyssée du cinéma, résonne aussi comme un appel à l’importante production iconographique de Ben. Caméra au poing depuis 60 ans, il a constitué un fonds filmique considérable, suivant l’évolution des techniques, leurs supports et leurs usages. Aux terrasses de cafés ou lors d’événements artistiques, il capte des moments, interpelle de nombreux anonymes et artistes qu’il convoque sur l’instant.
Plusieurs événements seront organisés pendant la durée de l’exposition avec des projections de cinéma en plein air, des performances, des ateliers et des concerts.

 

 

 

Je signe Nice, 1963, Mont Alban © Ben Vautier

Exposition

 

Ben – Parcours historique

L’exposition s’ouvre par une partie historique présentant une sélection d’œuvres clés de Ben des années 1958 à 1978. Ces témoignages retracent la quête d’un langage formel personnel qui mène aux premières écritures. Au départ simples signalétiques, les affiches produites dans son magasin lancent des appels aux réunions, rencontres et échanges. Épine dorsale de la communauté artistique à Nice, le Magasin de Ben devient la source d’expérimentation, de gestes et d’actions, au même titre que la Promenade des Anglais, la rue et les bistrots. Il entame ainsi des actions de rue, dans la lignée du mouvement Fluxus, qu’il importe en France et dont il devient l’un des grands protagonistes.

À la fin des années 50, Ben signe tout, s’appropriant ainsi, par ses images et ses actions, le monde comme un tout. Pour illustrer ces années, des documents de l’époque sont présentés : affiches, archives photographiques et vidéos.

Recherche des formes / bananes et premières écritures (1955-1967)

Lorsque Ben débute sa carrière artistique, au milieu des années 1950, il se frotte à toutes les théories et pratiques dans le but premier de trouver un langage formel personnel, d’inventer quelque chose d’inédit, au-delà du répertoire existant. Dès 1955, il retient la forme, à la fois abstraite et phallique, de la banane, qu’il déclare aussitôt comme sa création personnelle et réalise toute une série de dessins, sur différents supports, à l’encre de Chine sur papier.

À partir de 1958, Ben découvre le potentiel des écritures. Au départ dans son magasin de disques d’occasion, celles-ci sont à la fois des informations destinées aux visiteurs et des écrits publicitaires, comme « Le Bon Lait », ou même des marques, telles que Coca-Cola. Les panneaux d’information sont alors faits de bois et écrits à la peinture à l’huile. Plus tard, il développe sa propre technique, en écrivant directement sur la toile, avec une pipette remplie de peinture acrylique, traçant une nouvelle calligraphie distinctive. Le signifié prend le dessus sur le signifiant.

 

Laboratoire 32 Magasin de Ben, 1959-1973, Nice © Ben Vautier

Le Magasin (1958-1973)

Le Magasin, œuvre de Ben conservée actuellement au Centre Georges-Pompidou, reflète la vitalité dece magasin de disques qui faisait aussi fonction de point de rencontre pour la scène artistique niçoise, de galerie, de lieu d’exposition et de manifestation pour tous types de performances.

Dans les années 1950, le magasin de Ben est non seulement l’espace artistique le plus vivant de la ville mais aussi la galerie offrant l’éventail le plus large d’expressions artistiques. La programmation de Ben est ouverte aux nouveautés et expérimentions, ancrée sur un réseau régional d’artistes. Le magasin de Ben est l’un des lieux porteur de l’Ecole de Nice et à partir de 1963, le point de départ de nombreuses actions Fluxus, dont il devient le quartier général.

À cette époque déjà, Ben s’intéresse à la théorie de l’ethnisme de François Fontan dont il sera l’un des disciples les plus fervents. C’est encore une fois au Magasin que se retrouve le mouvement engagé notamment en faveur des minorités linguistiques et culturelles – une question qui, pour Ben, n’a en rien perdu de son actualité.

Fluxus

En 1962 à Londres, pendant le Festival of Misfits, Ben rencontre Georges Maciunas, fondateur et personnage central de Fluxus. Plus qu’un mouvement, Fluxus est un état d’esprit, un espace de partage, d’amitié, dans lequel vont se reconnaître des dizaines d’artistes de toutes nationalités. Ils proposent un art total expérimental qui réunit de multiples langages artistiques par leur volonté d’abolir le fossé entre l’art et la vie.

Invité au Festival par Daniel Spoerri, Ben s’expose comme sculpture vivante pendant 15 jours et nuits dans la vitrine de la Gallery One. L’année suivante, dans le prolongement de cette collaboration, Ben organise à Nice la dernière étape d’une tournée européenne, un Festival Mondial Fluxus et Art Total. Il fonde par la suite un groupe niçois, le Théâtre d’Art Total, déclarant que le théâtre n’est pas sur scène, mais dans la rue, dans la vie.

Les actions de ce groupe se déroulent sur la Promenade des Anglais et un concert est organisé dans le salon de l’Hôtel Scribe. Au Théâtre de l’Artistique, Ben, Maciunas, Erébo et Serge III jouent des pièces Fluxus, dont Paper Piece de Ben Patterson etDuo for Violin de La Monte Young.

Pour Ben, « tout est art » et il continue de faire vivre l’esprit Fluxus au travers de ses œuvres.

 

Gestes et actions de rue (1958-1972)

Regarder le ciel (1963), Me marier (1964), Couper la moitié de ma barbe (1966), Cirer les chaussures des autres (1971), Marcher (1969) ou encore Faire des grimaces (1962) : ces gestes et actions, et tant d’autres encore, que Ben a effectués le plus souvent en public, à une seule ou plusieurs reprises, sont pour lui des œuvres d’art à part entière. Avec ses Gestes, Ben amène l’art dans la rue.

En 1973, plus de soixante de ces actions ont été représentées et matérialisées dans une série de tableaux descriptifs, tels des fiches techniques d’archives. Représentation de ces gestes, en mots et en images, ils répertorient a posteriori les actions dans un ensemble cohérent daté de 1958 à 1972.
Le sens des Gestes se résume en un seul : Regardez-moi cela suffit (1963-1965), comme on peut lire sur la pancarte avec laquelle Ben s’est exposé sur la Promenade des Anglais à Nice.

 

Regardez moi cela suffit, 1962 Promenade des Anglais Nice © Ben Vautier

 

Ben – Parcours contemporain

Au travers d’une succession de thématiques, de ses Petites idées jusqu’aux Nouvelles écritures, en passant par les Miroirs, la Photographie, le Temps ou la Mort, Ben propose une lecture contemporaine de son œuvre. Il poursuit son introspection dans un parcours à travers lequel le visiteur est invité à son tour à s’interroger sur sa condition, son temps, sa société. Chaque nouveau mot, chaque nouveau geste participe d’une quête de sens et de vérité.

La signature (1958 – 2019)

«Il n’y a pas d’art sans signature. On ne peut rentrer dans l’histoire de l’art sans signature et sans date. Les œuvres dites collectives n’existent pas. Il y a toujours un détective pour chercher à savoir qui l’a faite et quand. Même pour les grottes de Lascaux on commence à traquer la personnalité de l’artiste et on cherche sa signature. Je me suis dit alors que si l’art n’était qu’une question de signature pourquoi ne pas faire un tableau avec juste ma signature ; exposé à partir de 1958, un peu partout.»

Les cageots (1960 – 2015)

«Il y a le grand art, qui est dans les musées et puis dans la rue, il y a le marché aux légumes. Et dans le marché aux légumes, il y a la vie de tous les jours et au musée, il y a l’artiste qui dit : “J’aimerais exposer lavie de tous les jours”. Alors j’ai écrit sur des cageots des phrases entendues au marché.
J’aime aussi le cageot parce que c’est un support gratuit que l’on trouve jeté par centaines au marché. C’est mon petit côté radin.»

Le temps (1961 – 2019)

«Certains pensent que l’argent est très important. D’autres que c’est la santé. Moi je pense comme John Cage l’a dit une fois : l’important c’est l’emploi du temps. Un milliardaire, le dictateur, le clochard emploient chacun le temps différemment, mais n’ont que 24 heures dans une journée. Et c’est l’usage qu’ils font de ces 24 heures qui est important. Le temps est un thème que j’ai commencé à travailler à partir de 1976, bien que j’aie signé le temps en 1960.»

Le collectionneur pauvre (1989 – 2015)

«J’ai insisté pour que cet espace existe parce que quand je vais chez l’Abbé Pierre et que je vois un tableau qui ressemble à du Gauguin, à du Picasso, à n’importe quel autre artiste, je le prends parce que ça colle à mon histoire de l’art parce que dans l’histoire de l’art, c’est le style qui compte et le style c’est la répétition.»

Portraits

«Je vois toujours deux têtes partout. Vous me montrez une casserole j’y vois une tête, deux chaussures parterre, je vois une tête, c’est même devenu un problème pour moi de ne pas les voir. Je me rappelle que ma mère disait : “Le petit fait des portraits très ressemblants”. C’est pas vrai. Néanmoins, aujourd’hui je me sens libre de faire des têtes. Le jour du vernissage je réaliserai mon autoportrait à 19h30.»

vue d’exposition photo Benoit Barbagli

Section cinéma

Caméra au poing Ben a constitué un fonds filmique considérable sur une période de soixante ans dans lequel apparaissent anonymes et artistes, dans des situations courantes telles qu’à la terrasse d’un café, lorsde vernissages ou de happenings.
Sont présentés ses premiers films archivant dès les années 60 ses actions de rue, ses films conceptuels et également ses dernières créations.

Le premier film : CANNES VILLE 1963

Pendant le Festival de Cannes en 1963, Ben pose des affiches sur les murs de la ville :
Ben créateur de l’art total présente et signe, dans le cadre du Festival son film extraordinaire CANNES VILLE 1963.

Pour faire ce film, proposé à Georges Maciunas, Ben devait louer une salle de cinéma ; annoncer un film d’avant garde ; il aurait installé ses caméras, trois si possible, cachées dernière l’écran ou sur les côtés, dans les rideaux. Ces caméras auraient filmé la salle vide, puis le public entrant s’assoir, le public s’impatientant de ne pas voir le film commencer, le public, furieux ou pas, demandant de se faire rembourser, quittant la salle peu à peu ; la dernière image du film et la première étant la salle vide.

LE NON FILM (2003)

Ce film expérimental traite de la recherche de la vérité, de la vie, de l’égo et en général de ce qu’est faire un film vrai. Il révèle le fonctionnement de sa réflexion dans la réalisation de son œuvre, l’ambiance et la présence de son entourage en une succession de séquences drôles, sensibles, provocatrices et intimes.

 

Artistes invités

Comme il a toujours tenu à le faire, Ben invite des artistes, historiques ou émergents, reconnus localement ou internationalement, connaissances récentes ou amis de longue date, rencontrés au gré de ses activités. Il leur propose un espace dans la halle pour présenter leurs œuvres, projections, performances ou poésies.

Marcel Alocco, Christian Balmier, Benoît Barbagli, Tom Barbagli, Marcel Bataillard, Charles Sebban dit Bébert, Emmanuel Benichou, Sylvie Boulloud, Frederik Brandi, Anna Byskov, Vincent Calassi, Martin Caminiti, Max Cartier, Catherine Cattaneo, Baptiste César, Marc Chevalier, Robert Combas, Verana Costa, Sandra D.Lecoq, Noël Dolla, Louis Dollé, Jean Dupuy, Kristof Everart, Jacqueline Gainon, Jean-Baptiste Ganne,Olivier Garcin, Jo Guichou, Laurie Jacquetty, Lyonel Kouro, Krajewicz et Rowlands Arnaud, Labelle-Rojoux, Thierry Lagalla, Patrick Lanneau, Natacha Lesueur, Jean Mas, Florent Mattei, Maurice Maubert, Patrick Moya, Henri OlivierYoko Ono, Gérald Panighi, Jean-Luc Parant, Louis Pastorelli, Pascal Pinaud, Michel Rabanelly dit Raba, Caroline Rivalan, Franck Saïssi, Alain Snyers, Stéphane Steiner, William Sweetlove, Monique Thibaudin, Agnès Vitani, Anne-Laure Wuillai, Junko Yamasaki
Sont également exposées des pièces de sa collection, commencée en 1958, dévoilant ainsi l’aspect collaboratif et collectionneur de Ben, parfois mécène.

 

AntakiArman, Hélios Azoulay, Michel Batlle, Ruy Blas, Robert Bozzi, BP, Jean-Pierre Bruno, John Cage, Denis Castagnou, Denis Castellas, Jacques Charlier, Giuseppe Chiari, Albert Chubac, Philip Corner,Béatrice Cussol, Daniel Daligand, Raymond Denis, Charles Dreyfus, Marcel Duchamp, Joël Ducorroy, Robert Erébo, Robert Filliou, Gregory Forstner, Joëlle Gainon, Alexandra Guillot, François Guinochet, Jacques Halbert, Max Horde,  Isidore Isou, Pascal Josse,  Konny, Maurice Lemaître,  Jacques Lizène, Serge Maccaferri, Jonier Marin,  MissTic,  Olivier Mosset, Bernard Pagès, Francois Paris, Philippe Parreno, Bruno Pélassy, Présence Panchounette, Philippe Perrin, Jacques Pineau, Nicolas Privé, Maxime Puglisi, Jonhson Ray, Robert Roux,  Serge III, Bernard Taride, Cédric Teisseire, Bernard Venet, Jean-Luc Verna, Ultra Violet ….

Ben a toujours favorisé les rencontres, les confrontations, les débats et la création. À partir de 1965, dans la mezzanine de son magasin, la galerie Ben doute de tout, il expose tous les artistes qui l’intéressent : Boltanski, Sarkis, La Monte Young, Alocco, Venet … En 1972, il ouvre La fenêtre, où il présente l’avant- garde niçoise. En 1975, il organise chez lui à Saint-Pancrace les Pour ou contre, au cours desquels il anime des débats et expose notamment Supports/Surfaces, Figuration Libre, Fluxus, Arman, Daniel Spoerri, Gilli et Serge III. En 1999, il ouvre consécutivement à Nice le Centre du Monde, rue du Lycée, suivi en 2011 par l’Espace à débattre, rue Vernier, et en 2017 Le César, dans le Vieux-Nice.

Il est aussi à l’origine de grandes expositions collectives. En 1977, À propos de Nice représente l’ensemble de la nouvelle création artistique niçoise pour l’ouverture du Centre Georges-Pompidou à Paris. En 1983, il organise une exposition de la jeune création du sud sur les quais de l’ancienne Gare des Chemins de fer de Provence, Un artiste peut en cacher un autre. En 2003, Fluxus Nice rassemble le mouvement Fluxus international et français dans différents lieux avec du théâtre, des expositions, performances, conférences et concerts. Il récidive en 2006 avec Le tas d’esprits à Paris, rue de Seine. En 2016, c’est le Palais idéal du Facteur Cheval à Hauterives qui reçoit ses invités.

“Le Tas d’esprits “, 2006 Paris

 

 

 

Section débats

En 1958, un jour, sur la Promenade des Anglais à Nice, Ben rencontre François Fontan. Aimant tous deux la discussion et les débats, ils se retrouvent tous les soirs pour discuter vie, sexe, peuples, politique internationale, cultures, langues, ethnies. Tous sont bienvenus pour participer aux discussions. On parle des idées de Wilhelm Reich, de Marx, de Freud, etc. La position de François Fontan : l’avenir politique du monde n’est pas dans l’uniformité mais dans la diversité.

En 1974, s’animent à l’occasion des Pour ou contre les premiers débats à Saint-Pancrace, sur la pelouse chez Malabar et Cunégonde. Il y a un micro, une grande table, un buffet et on discute jusqu’à tard dans la nuit. Certains viennent pour la prise de parole, d’autres pour les merguez. Parmi ces Pour ou contre, on se souvient du Tas d’Arman, de la discussion avec Combas et Di Rosa, de l’exposition d’Olivier Mosset et son arrivée bruyante avec 80 motards de la Bastille et des prises de bec entre Martine Doytier et Noël Dolla.Cultivant cette tradition, Ben aménage dans la grande Halle du 109, un espace avec plusieurs canapés, des tapis au sol, une table pour poser des verres, un grand tableau blanc avec des feutres, un micro, de la musique, des livres et quand il sera là, il lancera un débat et invitera le public à participer.

Section performances


Le Ring, 2012Exposition Ben signe NiceCentre d’Art de la Villa Arson, Nice

À l’occasion de cette exposition, Ben installe un ring de boxe, comme il l’avait fait en 1972 lors de son exposition à la Documenta 5 à Kassel en Allemagne. C’est sur ce ring que Joseph Beuys, dans le cadre d’uneAction d’adieu, avait alors participé à un combat de boxe avec l’étudiant en art Abraham David Christian. En 2012, pour les 50 ans du mouvement Fluxus, Eric Mangion, directeur du centre d’art de la Villa Arson, invite Ben qui renouvelle l’installation, et organise des performances sur ce ring pour l’exposition Ben signe Nice. Les artistes se succèdent en rounds de 3 minutes 33 secondes, temps imposé pour exécuter leur performance. S’y succèdent joyeusement de la danse, de l’expression corporelle, de la musique, du théâtre, des défilés et bien sûr des pièces Fluxus. Chaque action, réalisée en public, est filmée puis transmise en différé sur un écran placé au centre de l’installation. Les performances ont eu lieu durant plusieurs semaines, chaque mercredi, à 18 heures 33. Ben se présente en chef d’orchestre et arbitre, retrouvant ainsi les bases du mouvement Fluxus.

En 2013, avec la ville de Blois, Ben ouvre la Fondation du Doute. Le ring devient un espace pour le Combat d’idées, pour l’exposition inaugurale de ce nouveau centre d’art qui présente une collection de plus de 300 œuvres Fluxus.
Ce ring revient dans la grande Halle, au cœur de l’espace, autour d’un programme de performances, plaçant ainsi l’expression et les idées au centre de la vie de l’exposition, dans la tradition de Fluxus qui clame que l’art c’est la vie.

 

Biographie

Ben est l’un des artistes majeurs du XXe siècle connu pour ses actions et ses peintures. Sa production, à la fois réflexion sur l’art dans ce qu’il a de plus fondamental et intégrant notre quotidien dans ce qu’il a de plus particulier, réussit à faire de la vie un art. Sont ainsi entrés dans son œuvre des univers aussi éloignés Duchamp artistique que l’ethnisme, l’ego ou la vérité. Ben bénéficie d’une incroyable popularité grâce à ses écritures, qui allient la plus grande impertinence et la plus grande justesse.

Ben, de son vrai nom Benjamin Vautier, est un artiste français d’origine suisse. Né le 18 juillet 1935 à Naples,de mère irlandaise et occitane, et de père suisse francophone, il est le petit-fils de Marc Louis Benjamin Vautier, peintre suisse du XIXe siècle. Il vit ses cinq premières années à Naples. Après la déclaration de guerre, en 1939, Ben et sa mère vont multiplier les voyages : Suisse, Turquie, Égypte, Italie, pour enfin s’installer àNice en 1949. Il étudie à l’école du Parc-Impérial et à la pension du collège Stanislas. Sa mère lui trouve un travail à la librairie Le Nain Bleu en tant que garçon de course, puis lui achète une librairie-papeterie.

À la fin des années 1950, il la vend pour ouvrir une petite boutique, dont il transforme la façade en accumulant quantité d’objets et dans laquelle il vend des disques d’occasion. Rapidement, sa boutique devient un lieu de rencontres et d’expositions où se retrouvent les principaux membres de ce qui deviendra l’Ecole de Nice : César, Arman, Martial Raysse, etc. Proche d’Yves Klein et séduit par le Nouveau Réalisme, il est convaincu que « l’art doit être nouveau et apporter un choc ». Au début des années 1960, commence le jeu des Appropriations. La règle établie par Yves Klein visait à s’approprier et signer le monde en tant qu’œuvre d’art sans jamais copier et en étant toujours le premier. Duchamp avait les chiffons, Christo les emballages, Arman les Accumulations, Klein le Monochrome, Ben va signer tout ce qui ne l’a pas été : les trous, les boîtes mystérieuses, Nice, les coups de pied, Dieu, les poules, etc., reliant l’art et la vie, expliquant que tout est art et que tout est possible en art. Essentiellement, Ben est un artiste conceptuel, un artiste de l’idée. C’est un provocateur, un railleur, un iconoclaste, il est inclassable.

 

Ben, Je signe tout, 1970 Saint Pancrace, Nice
© Jacques Strau

« Les Gestes de Ben, qu’il a commencé à effectuer à la fin des années 1950, ont maintenant leur place au panthéon de la performance. Ses Ecritures sont des œuvres radicales, révolutionnaires. Ses travaux sur les attitudes et les conditions sociales révèlent un grand humanisme. Ben a une énergie intarissable, qui produit un flux d’informations, d’opinions, de livres, d’essais et de documents Internet. Il n’est pas l’artiste cliché enfermé dans sa tour d’ivoire mais plutôt un artiste de la rue. » Jon Hendricks, 2010.

Ben vit et travaille depuis 1975 sur les hauteurs de Saint-Pancrace, colline niçoise. Ses oeuvres sont présentes dans les plus grandes collections privées et publiques du monde, notamment au Museum of Modern Art de New York, au WalkerArt Center de Minneapolis, à l’Art Gallery of New South Wales de Sydney, au Museum ModernerKunst Stiftung Ludwig de Vienne, au MUHKA d’Anvers, au Stedelijk Museum d’Amsterdam, au musée de Solothurn, au Centre Georges- Pompidou et au Musée National d’Art Moderne de Paris, ainsi qu’au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice.

Ben, par Bernard Blistène

Directeur du Musée national d’art moderne, Centre Georges-Pompidou

L’époque est amnésique. Elle célèbre à l’envi celles et ceux qui « performent », manière de laisser croire qu’ils déjouent le système. Plus une exposition sans présence du corps. Plus un projet sans une dimension pluridisciplinaire. Plus une manifestation sans réconciliation des contraires. L’art est partout et chaque rendez-vous est là pour le prouver.
Le dissensus s’abime dans des représentations complaisantes. On met en scène les malheurs du monde avec l’idée d’en être les témoins et les accusateurs. La bonne conscience fait son travail et le tour est joué.

Ben Vautier voit le monde autrement. Soixante ans qu’il nous apostrophe et nous renvoie à nos vanités vaines. Soixante ans qu’il s’escrime et s’exprime, se démène et s’enflamme dans un pêle-mêle mêlant le tragique et la farce, la souffrance et la joie, le pour et le contre. Eloge de la difficulté d’être soi, autocritique de l’égo, aphorismes en tout genre. Ben est là, entre vérité et mensonge, entre impertinence et sagesse. Ben est un artiste nécessaire.
De la fin des années 1950 à aujourd’hui, Ben met en scène et se met en scène au cœur d’un monde dont il ne finit jamais de dire qu’il l’effraie et l’amuse. Ben vocifère et tempête. Il écrit et il apostrophe. Il gesticule et parle fort. Il est savant et populaire. Ben est sans doute l’un des plus extraordinaires animaux humains qu’il m’ait été donné de côtoyer.

De tout cela, de ce combat quotidien contre lui-même et le temps qui ne cesse de filer, Ben fait une œuvre à nulle autre pareille, une œuvre reconnaissable entre toutes. Familière et inventive. Une œuvre qui lui ressemble et dans laquelle tout un chacun, un jour dans sa vie, s’est reconnu et retrouvé. Nous avons tous en nous quelque chose de Ben Vautier, tant Ben Vautier nous dit quelque chose de nous-mêmes, de notre misère et de nos joies, de nos peurs et de nos vanités, de nos désirs et de nos échecs. Bref, Ben est à lui seul l’homme à la recherche de la vérité, sans doute un moraliste. Jamais un moralisateur.
Il faut toujours et encore regarder l’œuvre de Ben. Il faut en suivre le cours et les métamorphoses. Il faut le voir chercher à construire son langage. « Je dessinais des formes que je jetais si je retrouvais leur source d’influence », écrit-il au sujet de ses premiers travaux. Il faut l’entendre chercher « un début de personnalité » lorsqu’apparait en 1957, la forme de la Banane. Et puis, viennent les Lignes, les Tâches, les Sculptures d’Objets, les Objets suspendus, le Vomis, le Déséquilibre, les Trous, les Sculptures vivantes, le Manque et le Tout… Le Tout comme la recherche de la réalité en sa totalité, le Tout pour que rien ne lui échappe. Entre leurre et maitrise. Sans doute une superbe définition de la création.

Car Ben est un créateur. Le mot semble galvaudé et lui va bien. Un créateur qui expose, signe et vend Dieu, son rival, à n’importe quel prix. Un créateur qui court et rend justice aux Terrains vagues. Un créateur qui donne forme aux mots et invente, comme le dit son copain Jon Hendricks à l’occasion du Strip-tease intégral de Ben, une peinture-mot. Et puis, il y a les Gestes qui, au-delà des Actions – ou « Aktion », si vous voulez faire germanique et savant – au-delà des « Performances » et autres « Happenings », des « Events »de George Brecht avec lesquels ils entretiennent une tendre affinité, sont l’expression même de la vie dans tous ses états, du corps dans toutes ses manifestations : « Me cogner la tête contre un mur », « Cracher »,« Cirer les chaussures des autres », « Creuser un trou et vendre de la terre », « Uriner », « Rentrer dans l’eau tout habillé avec un parapluie », « Me peindre », « Me battre »… J’en passe et des meilleurs. Tout dire, tout faire, ne jamais s’interrompre, ne pas connaitre le repos. Le corps, son corps, le mien, le vôtre dans tous ses états pour ne jamais cesser de lutter contre l’inéluctable. Ben, jamais hors-jeu. Ben, « notre contemporain », dans l’urgence absolue d’être et de laisser des traces. Pour ne jamais disparaître.

Bernard Blistène, 2018

 

La vie c’est, 2003, acrylique sur toile, 160x130cm © Ben Vautier