© Simone Eusebio
CAMILLE FRANCH-GUERRA
C’est à partir de notre vie quotidienne et surtout de ses mythes qui engendrent des mécanismes idéologiques et sémiologiques propres à notre société contemporaine que l’artiste, sensitive, perçoit le monde. L’impact réel des données visuelles, sensorielles et physiques de nos sociétés sont des ponts à son regard et reliant les paradoxes, les anomalies, elle mène des projets empreint de cette fascination de l’espace et surtout de la notion d’« hétérotopie ». Moteur animant sa recherche sur ces formes de matérialisation de l’empreinte de l’homme dans les sociétés.
Si son processus de travail intègre l’objet, c’est par le fait qu’il en constitue la matière première de ces installations. Elle va chercher avec la foi d’un voyageur, la poésie de l’objet topique, qui, trouvé, acheté, échangé, ou transformé, offre avec la même force de recherche cette unicité politique et culturelle aux allusions mythologiques dénotant la Vie. Une allégorie du vivant. La beauté et sa laideur ou séparément regardés. le double monde ; son intérêt pour l’immersion. La vie, la mort, bien sûr, la métaphysique qui surgit de l’objet et les cavités au combien creuses du crâne humain. L’intelligence de cette artiste réside dans l’ambiguïté de sa réalisation protéiforme opérant la critique d’une saturation de sensation à laquelle notre corps n’échappe plus et soustrayant peut-être, la poésie et la force intelligiblede l’instant. En opérant des allers-retours entre le réel et la fiction, par des systèmes métaphoriques, elle se joue du réel et rend flou l’origine mêmedes choses pour faire ressortir parfois en couture brodé, un humour noir. C’est en évitant l’extrospection et l’objectivité de l’image que son regard se pose d’abord sur la surabondance d’un point de vue général, qu’elle soit informative, esthétique, virtuelle, capitaliste. Le «monde échange», le «monde communication» le monde d’une globalisation grandissante, tragédie, absurdité, dramaturgie en tout cas ;
Que ce soit dans son processus créatif que dans sa retranscription plastique, elle déploie un rébus inspiré de sources documentaires, historiques et mythologiques qui ne perdent pas l’esprit dans un bazar d’images et d’objets mais construisent un espace logique, en laissant un souffle symbolique, quasi-mystique dans l’expérience. Expérience, dans le sens d’un processus créatif qui comprend l’expérience du déplacement ( dans la marche et la récolte de choses, dans l’établissement d’un inventaire de collecte draconien ( dans une conscience animiste plus que scientifique) autant que dans la retranscription plastique où les entités et celui qui les perçoit – au sein d’un même lieu – fonctionnent dans un système d’échanges et de corrélations propre à l’expérience donnée.
L’inventaire est le résultat de ces collectes-enquêtes ; il lui permet de classer les entités tangiblement fragiles autant que de structurer sa pensée. C’est alors que ces récits qui se constituent d’objets, d’images prélevées, deviennent les supports d’une mémoire faillible, et, ils ont tous le désir de rendre au mouvement cinéplastique sa disposition à être une trace, une prise de forme du mouvement dans la marche, porteuse de sens et de revendication comme le soulève Thierry Davila.
L’artiste nous donne à voir son désir de mise en espace de ces ponts intelligibles par le biais de l’installation, qui insistent sur l’événement comme une véritable immersion tentant de juxtaposer l’homme, le visiteur, avec le système qu’il a lui même construit avec toutes ces dialectiques anthropocentrées.